Une vieille histoire …

Sayuri est la deuxième filles d’Asako Ahiko et d’Asako Ichitaro, elle a grandi dans un univers ultra protégé. Sa mère refusant presque catégoriquement que ses filles voient d’autres personnes que ses propres parents et deux autres serviteurs. Cependant, elle développa très tôt une conscience assez aiguë et naturelle de la réalité et de ses différents voiles… Ichitaro compris que sa fille n’était sans doute pas comme les autres et obtint de son épouse qu’elle puisse être envoyé à ses côtés pour suivre un apprentissage d’Henshin et d’historienne Asako. Elle accepta mais non sans avoir obtenu de son époux que l’enfant ne serait pas mélangée aux autres et que seul son apprentissage devait compter. Même si Ichitaro n’approuvait pas sa façon de faire, il en comprenait les fondements. Elle voulait que sa fille ne souffre pas comme elle avait souffert. Elle voulait la protéger du monde pour qu’elle ne soit jamais comme elle… Ichitaro était convaincu que malheureusement, elles avaient le même sang et qu’il était illusoire de se tenir hors du monde. Si son destin était d’arpenter le même chemin que sa mère, elle n’y échapperait pas.

Hormis cela, la petite Sayuri était une ravissante petite fille, aux yeux étonnement clairs, elle était de nature curieuse, s’émerveillant de tout, gaie de nature. Elle semblait voir de nombreuses choses qui étaient invisibles aux simples hommes. Du coup, ils la retrouvaient souvent en grande discussion face à … rien… Le silence pour toute réponse. Ses professeurs pensaient qu’elle avait une telle imagination qu’elle créait des dialogues avec des personnes qui n’étaient pas sur la terre mais dans les livres… Que c’était sa façon d’apprendre. Sauf qu’il était parfois fort déstabilisant qu’elle obtienne des informations qui n’étaient pas dans les ouvrages consignés mais qui se révélaient, malgré tout, exactes.

Ses talents indéniables en firent une apprentie henshin talentueuse, promise à un grand avenir…Si sa mère ne refusait pas catégoriquement qu’elle vive parmi les siens. Mais on n’échappe pas à son destin, on peut seulement le retarder quelque fois…

***

Il y a déjà bien longtemps, au cœur des arcanes du clan du Phénix, au cœur de la cité cachée de Gisei Toshi, un brillant bushi du nom de Shiba Gen’nosuke, venait de quitter sa charge de Yojimbo pour entrer dans la Garde des Protecteurs de la bibliothèque des savoirs. Son rôle n’était pas tant de surveiller l’extérieur, que l’intérieur. Il était donc de ceux qui veillent à ce que la tradition millénaire d’ostracisassions des érudits Asako se perpétue sans encombre.

L’un de ses premiers devoirs fut de raccompagner en palanquin un vénérable Henshin prenant sa retraite et quittant à jamais les rouleaux sur lesquels il avait veillé toute sa vie. Celui-ci ne devait pas poser le pied avant d’avoir rejoint le territoire de sa famille. Au retour, il devait évidemment accompagner son successeur sur le chemin inverse.

Il s’était attendu à rencontrer une femme d’âge avancé, semblables à tous ceux qui vivaient reclus dans la bibliothèque, mais bien au contraire découvrit avec stupeur que sa charge ne semblait pas avoir plus de 20 ans. Elle était aussi belle qu’une aube de printemps, elle semblait si vertueuse et si charmante qu’il fut foudroyé en plein cœur.

Très vite, il ne put s’empêcher de sonder la volonté de la jeune femme de vivre en recluse dans ces lieux immémoriaux. Il lui sembla qu’elle n’y allait que parce qu’il s’agissait de la volonté de sa famille mais qu’elle n’en éprouvait aucune ferveur. Elle lui semblait si naïve, si douce, et très vite, elle le regarda comme le plus beau des hommes. Il fut touché au plus profond de son cœur… Et se fit la promesse de la sortir de là par tous les moyens et d’en faire son épouse …

Le voyage dura bien plus longtemps qu’il n’aurait dû. Si Gen’nossuke en ressentait quelques culpabilités, celle-ci s’envolait bien vite lorsqu’il voyait le doux profil de la jeune femme. Il découvrit bien vite qu’elle était pleine d’esprits, passionnées de connaissances et de mystères. Elle aimait particulièrement les vieilles chansons et les contes de l’ancien temps, avant que les kamis ne marchent sur la terre. Elle chantait divinement…

« Il fut un temps, assez lointain, j’aimais jouer de la musique… j’espère que vous ne vous moquerez pas de moi, mais un jour j’aimerai vous jouer quelques-unes de mes mélodies préférées… »

« Oh ? J’en serais vraiment ravie. Quel est votre instrument de prédilection ? »

« Je crains que ça ne soit devenu la lance… mais dans une autre vie, c’était l’erhu ».

Elle rit.

« Je suis sûre que vous jouez encore très bien… Cela ne s’oublie pas ! »

« Je pense que vous êtes trop confiante ou indulgente, il me faudra bien quelques entraînements pour oser me montrer à vous. Je me demande bien ce qu’il m’a pris de me présenter à vous comme musicien… » Il éclata de rire et se frotta la tête, mal à l’aise.

Plus les jours passaient, plus l’idée que cette jeune femme puisse s’enfermer à jamais dans une bibliothèque de rouleaux poussiéreux lui était intolérable… Le fait qu’elle semblait partager la même douce inclinaison à son encontre ne l’aida certainement pas… Mais pour l’heure, tout voyage à une fin, et n’ayant pas encore perdu tout sens du devoir, il accompagna avec déchirement sa jeune amie à la bibliothèque.

Hélas, ils s’étaient si bien amourachés, qu’en dépit des risques, ils commencèrent à entretenir une correspondance secrète et parfaitement interdite. Il était conscient des conséquences, il connaissait bien les lois de la cité secrète et ses interdits, bien plus qu’elle… Mais imaginer une vie sans la jolie Henshin lui était parfaitement insupportable à présent.

Au départ, ils parvinrent à garder leur secret pendant plusieurs mois mais ils savaient que cela finirait par poser problème… Dans un lieu si surveillé, il est bien dur de rester discret. Leur correspondance finie par être interceptée par une personne qui y trouva vite un intérêt. Il savait que la situation pourrait bien se révéler si désespérer que l’un ou l’autre pourrait bien commettre des imprudences ou accepter une aide inconsidérée.

Il arrivait quelque fois, à la faveur de la nuit, que les deux amants se retrouvent dans la partie la plus ancienne de la ville. Ils suivirent le couple mais durent accepter que la jeune Henshin n’abordait jamais le sujet du savoir caché d’Asako… Rien d’étonnant au vue de la nature de leur rencontre.

La situation se complexifia encore lorsque Sayuri découvrit qu’elle attendait la vie… Lorsqu’elle annonça la nouvelle à Gen’nossuke, il fut aussi heureux que terrifié… Il fallait qu’ils trouvent une issue et vite, mais la situation leur semblait inextricable…

Les inconnus qui les surveillaient ne mirent pas longtemps à apprendre la nouvelle lors d’interception de correspondance. Ils décidèrent alors d’aborder Shiba Gen’nossuke plus frontalement, en lui faisait miroiter une solution à leur problème en échange d’informations.

A partir de ce moment, il se montra plus curieux des connaissances de sa belle, elle se montra néanmoins évasive et parfois même éprouva quelques étonnements à ce qu’il s’intéresse à cela subitement. Ils furent étonnés de sa résistance à ne rien divulguer, après tout, elle ne respectait déjà pas les termes propres à son rôle d’historienne Asako à la cité cachée.

Et le temps passait irrémédiablement, l’enfant prenait corps et Sayuri faisait tout pour camoufler son état sous de larges kimonos… Cela passait plus ou moins les six premiers mois, mais après la chose fut entendue et difficile à cacher.

Dans les derniers mois, elle ne quitta plus du tout la bibliothèque car cela devenait bien trop dangereux pour elle et son bébé. Elle échangea alors uniquement par voie épistolaire avec son amant. Les autres historiens étaient parfaitement au courant à présent mais ils se montrèrent bien plus compréhensifs et bienveillants qu’elle n’aurait pu imaginer. Aucun ne lui demanda l’identité du père et la vie dans la Bibliothèque poursuivit son cour aussi habituelle qu’étrange.

Elle donna naissance à son fils au sein de la bibliothèque, aidée par plusieurs femmes et par la grâce des kamis, les choses se passèrent bien pour la mère et l’enfant. Elle se reposa plusieurs jours avant de pouvoir envoyer une missive à Gen’nossuke, elle tenait tant à lui annoncer la nouvelle en personne…

C’est à ce moment-là que leur histoire prit un tour tragique, les inconnus qui avaient connaissances de la manière dont les amants communiquaient, répondirent à sa place. Ils invitèrent la jeune femme à une rencontre nocturne. Rien dans la manière dont ce fut fait n’éveilla ses soupçons… Mais lorsqu’elle rejoint la petite maison de pierre, ce n’était pas son tendre amant qui l’attendait mais des hommes en noir qui se saisirent d’elle.

La terreur l’envahit. Quand ils la jetèrent dans un lieu noir et humide, les pensées se bousculèrent dans sa tête. Elle aurait mainte fois pu être arrêtée par des Isawa pour avoir trahit sa promesse de ne pas quitter la bibliothèque, mais ces personnes, elle ignorait à qui elle avait à faire et comment ils avaient pu imiter l’écriture de son aimé.

Elle resta seule ainsi plusieurs jours, elle en perdit la notion du temps, sans nourriture, sans eau… Ses pensées oscillant entre la peur qu’il soit arrivé quelque chose à son amant ou qu’il soit lui-même l’instigateur de son enlèvement…

Au vue de l’étrange disparition, les historiens eux-mêmes préférèrent signaler sa mort en couche plutôt que d’attirer l’opprobre sur leur famille et encore pire, l’intérêt du Conseil élémentaire Isawa, alors même que la situation était déjà tendue… Cependant tous étaient convaincus qu’elle n’aurait jamais abandonné son enfant… Mais prisonniers qu’ils étaient au sein de la bibliothèque, ils leur étaient impossibles de partir à sa recherche. Ils ne connaissaient même pas le nom du père de cet enfant…

es jours qui suivirent furent pour elle pire que la mort, ils tentèrent de la briser, aussi bien physiquement que mentalement. Lui assurant que c’était son amant qui l’avait trahi et qu’il n’avait toujours cherché que cela… Elle ne put que repenser à toutes ces questions qui lui avaient posées et qu’elle avait esquivé… Le poison du doute s’insinua dans son esprit. Avait-elle été trahie ? Est-ce qu’elle payait simplement le fait d’avoir failli à sa promesse faite à sa famille ? Est-ce le résultat de son indignité et d’avoir fait passé son cœur avant son devoir ?

A présent, il ne lui restait plus que le fait de ne pas trahir sa voie et de ne surtout pas mettre son enfant en danger…Elle subit maints outrages pendant un temps indéterminé… Au point qu’ils se lassèrent.

Il leur vint cependant une dernière idée…Un soir, ils l’emmenèrent de sa prison vers la cime des montagnes. Elle était si faible qu’elle ne parvenait même plus à marcher, alors ils la trainèrent par les bras. Elle remerciait les fortunes en se disant que son calvaire était fini et qu’ils allaient sans doute l’exécuter dans la neige… Ils finirent par la jeter à terre. Elle se sentait alors plus légère. Fermant les yeux et acceptant son sort. Pourtant, elle sentit les hommes s’éloigner.

Dans le silence qui suivit, elle entendit une voix qui l’appelait par son nom, une voix qu’elle aurait pu reconnaître parmi mille autres. Elle ouvrit les yeux et aperçut alors celui qu’elle aurait pensé ne jamais revoir.

Elle était incapable de comprendre les sentiments qui se mêlaient alors dans son esprit, colère, soulagement, haine, incompréhension, amour… et même de l’espoir. Il ne semblait pas contraint. Quel était sa place dans tout cela ? Elle redressa faiblement la tête…

« Que lui avez-vous fait ? » Il donna un coup d’épaule pour se dégager brusquement des deux hommes qui l’entouraient et se précipita vers elle pour l’étreindre.

Elle se laissa tomber dans le creux de ses bras.

Les hommes firent silence. Un bruit dans le lointain. Une flèche vint se piquer dans la neige juste devant eux.

Un des hommes fit un pas vers eux.

« J’espère que tu es heureuse de ton cadeau. Maintenant, il ne te reste plus qu’à choisir entre la vie et la mort, Asako ».

Sayuri comprit avec horreur dans quel piège son amant s’était involontairement jeté pour la retrouver. Elle resta muette de terreur. Elle s’était préparée à mourir. Pas à le faire mourir. Elle sentit sa volonté flancher et se mit à bégayer. Gen’nossuke la serra contre lui et murmura : « Je t’ai enfin retrouvée. Pardonne-moi, j’ai fait preuve d’imprudence. Je suis le seul responsable. Tu es si forte pour qu’ils en soient arrivé à pareille extrémité… » Il passa une main sous sa joue et l’embrassa. « Je n’ai pas peur de mourir… Juste d’être à nouveau séparé de toi… Si nous ne pouvons vivre ensemble dans cette vite, que penses-tu de partir ensemble… Mon amour ? »

Sayuri pleurait et ses larmes gelaient sur visage. Elle se sentait si reconnaissante et si profondément bouleversée…

Gen’nossuke était désarmé, il savait qu’au moindre mouvement suspect, les archers le transformeraient en pelote d’épingles… Mais il ne partirait pas sans se battre. Alors se redressant vivement, il fonça sur l’homme le plus proche, le déstabilisant habilement, il se servit de son corps comme bouclier l’instant d’après, tout en dégainant le katana qu’il portait à son côté. Tout se passa extrêmement vite, il se jeta sur le samouraï suivant et la lame lui transperça la gorge. L’une des hommes restant se mis en travers de son chemin, le séparant adroitement de sa protégée tandis qu’un second se dirigea d’un pas décidé vers Sayuri qui était totalement incapable de se défendre… Le temps que Gen’nossuke se débarrasse de son adversaire, il l’attrapa par les cheveux et plaça sa lame en dessous de sa gorge et sans plus de sentiments, l’égorgea. Tout devint flou devant ses yeux, elle ne sentait plus la douleur. Elle voulu crier mais un gargouillement infâme fut la seule chose qui lui parvint aux oreilles. Avant que sa conscience disparaisse, elle vit Gen’nossuke hurler et se jeter sur l’homme qui lui barrait le passage.

***

Elle ignora combien de temps avait pu se passer, une seconde, une éternité. Son sang sur la neige, ses membres disloqués. Mais elle rouvrit les yeux. Le ciel était blanc, le vent soufflait avec violence faisant virevolter les flocons de neige autour de cinq hommes en train de discuter non loin de son corps défunt. Elle porta la main à sa gorge mais ne sentit que le froid. Tournant légèrement la tête, elle aperçut Gen’nossuke, transpercé de plusieurs flèches. Ils ne l’avaient même pas achevé, et il était à présent plongé dans les affres de l’agonie, sa respiration laborieuse. Sayuri ressentit une profonde haine l’envahir contre ceux qui faisaient preuve d’une cruauté indifférente, ces hommes qui n’avaient pas hésité à la briser pour servir leurs objectifs obscurs. Elle sentit la rage monter en elle… Son cœur ne battait plus, mais la colère et la haine insufflèrent en elle une nouvelle vie. Elle se redressa sans plus ressentir de difficulté à se mouvoir. Son mouvement fit sursauter un de hommes qui regardait dans sa direction, mettant aussitôt les autres en alertes. Ils regardèrent effarés la femme qu’ils avaient égorgée se relever, se mordant sans doute les doigts de ne pas l’avoir directement décapitée comme il est l’usage …

Ses yeux injectés de sang, elle sentit une énergie infinie pulser sous sa chair. Elle se redressa et poussa un hurlement empli de sa haine, de sa colère et de son désespoir, un cri si violent qu’il se répercuta dans la montagne et au-delà, tétanisant les hommes assistant à la naissance de quelque chose d’autres. Les fils de la réalité tremblèrent, la tempête redoubla de violence. Dans le vide qui l’entourait, elle perçu des voix, des sensations qu’elle ignorait, comme si tout autour d’elle, elle pouvait sentir des présences. D’autres esprits comme elle, qui ressentait sa peine… Elle entendit la voix de sa propre mère. Et un seul mot, comme un mantra : « Vengeance ».

Il est une règle dans le royaume des neiges, ceux qui trahissent les demoiselles doivent périr. Il n’y a pas d’autres choix.

Alors Sayuri disparut, ne laissant plus la place qu’à la colère vengeresse de la Yuki Onna qui avait toujours sommeillé en elle et qui n’aurait jamais dû se révéler. Elle entraîna les hommes terrorisés dans la douleur ineffable d’une annihilation jusque dans les profondeurs des fils de leurs destins, jusque dans le Vide qui l’entourait.

Elle se serait sans doute perdu dans cette haine aveugle, si un faible râle ne l’avait ramené dans le présent. Son nom à peine murmuré… L’Amour perdu lui revint par vague. Elle lâcha ses proies et se précipita aux côtés du mourant, elle lui attrapa les mains, le regard hagard et l’esprit terrorisé face à celui qui s’en allait.

Il la regardait avec douceur mais ses yeux se voilaient. Il esquissa un piteux sourire.

« Pardonne-moi. Je t’aimais tant. Puisse le destin m’accorder la chance de pouvoir me montrer digne de toi, la prochaine fois… m’attendras- tu ? »

Les larmes roulaient sur ses joues, elle lui fit signe que oui… « Dans cette vie ou dans une autre… J’ai tout mon temps ». Elle le tenait dans ses bras, caressant son beau visage et ses cheveux maculé de sang… Elle savait qu’elle ne pouvait plus rien pour le sauver seulement lui offrir la paix… Le froid n’emporte-t-il pas en douceur dans l’autre monde. Elle se pencha sur son visage, ses lèvres se posèrent sur les siennes, ils échangèrent leur dernier baiser, elle resta ainsi jusqu’à sentir la chaleur déserter à jamais son corps meurtri, et bien après…

« On devait partir ensemble… Pourquoi suis-je encore là… ? »

Elle serait peut-être encore prostrée sur le corps de son aimée si une silhouette ne s’était dirigée vers elle, bien après que la tempête se soit calmée.

« J’espérais que ta destinée d’être une telle chose ne se réaliserait jamais, ma fille. J’ai tout fait pour que tu rencontres le moins de monde et que la souffrance te soit étrangère. Mais ce qui doit être, sera. C’était ton chemin… »

Elle leva la tête alors même qu’elle tenait encore le corps congelé au creux de ses bras.

« Maman ? Je ne connaissais pas la souffrance et je l’ai vécue de toute les manières qu’il est possible de l’endurer. Je voudrais seulement… disparaître … »

Une femme a la beauté froide et parfaite la surplombait. Son regard était aussi acéré qu’un poignard semblait alors dénué de toute forme de bienveillance et d’amour.

« Le temps fera son œuvre. Ton esprit oubliera jusqu’à son visage et ses paroles. Ton cœur deviendra de la glace. Seul le souvenir de la chaleur te restera. Une impression diffuse… Un déjà vu. Ne prêtes pas attention à l’espoir ou au désespoir qui étreint ton cœur. Tout passe. Un jour peut-être, une parole, une caresse fera voler en éclat toutes tes certitudes et tu sauras… Peut-être. Jusque là il te faudra exister ».

La femme qui se tenait là ressemblait à sa mère, mais quelque chose en elle était très différent de l’humaine qu’elle connaissait. Elle se sentit terriblement déstabilisée par la prise de conscience du mystère entourant l’existence de sa mère depuis toute ces années et de tous les mensonges qui en avaient découlés.

« Pourquoi ne puis-je pas seulement mourir et le retrouver ? Pourquoi suis-je obligée de rester ici ? Quel crime ai-je commis pour mériter un tel sort ? Que suis-je devenue ? » dit-elle la voix entrecoupée de sanglot.

« Tu es ma fille. Je n’ai pas la prétention de savoir les plans qu’ils ont pour toi. Mais j’ai l’intime conviction que si c’est arrivé malgré toutes mes précautions, c’est que c’était ta destinée et que rien ne pouvait t’en éloigner, pas même l’amour d’une mère. Sois forte ma fille. L’existence te sera bien différente à présent… Coupée des mortels, tu t’ouvriras à bien d’autres chemins. Viens, ma fille, rentrons à la maison ».

Elle se laissa faire, mollement. Elle n’osa pas mentionner l’existence de son fils de peur qu’elle désapprouve et réalise quelques folies. Sa mère prononça des paroles qu’elle ne comprit pas et un feu bleu engloutit tous les corps présents autour d’elles.

Ensuite, elle prit la main de sa fille et se dirigea doucement vers une zone escarpée… Là résidait encore une étrange porte vacillante… Elle n’y prêta pas attention, son esprit anesthésié. Mais lorsqu’elle la traversa, elle se retrouva l’instant d’après dans une zone boisée. Elle observa sans connaître, bien trop de sentiments qui tourbillonnaient dans sa tête et dans son cœur…